La construction d’une œuvre
Les Fables de la Fontaine se composent de trois recueils, eux-mêmes composés de livres. Tous n’ont pas été publiés au même moment, et chacun d’entre eux n’est pas numéroté selon un ordre précis. Car oui, la construction que l’on attribue aux Fables aujourd’hui fut décidée après la mort de la Fontaine. De plus, la place de certaines fables a évolué selon les éditions.
Ainsi, le premier recueil (livres I à VI) est publié en 1668, et est dédié au Dauphin, le fils aîné de Louis XIV âgé de six ans. Le deuxième recueil (livres VII à XI) est publié en deux volumes en 1678 et 1679, dédiés à Madame de Montespan, la maîtresse de Louis XIV. Enfin, le troisième et dernier recueil se compose du livre XII uniquement, et fut publié en 1694, quelques mois avant que la Fontaine ne meure.
Lorsqu’il s’agit de comprendre la création de cette œuvre majeure, il convient de s’intéresser au 17ème siècle, siècle au sein duquel elle fut écrite. À l’époque, c’est la monarchie qui domine, et la création littéraire de l’époque est largement liée au pouvoir. Louis XIV, Roi ambitieux, met sous sa protection des auteurs comme Racine, Molière ou encore Boileau. Malgré l’esprit de classicisme très fort qui règne à l’époque, Jean de la Fontaine parvient à amadouer le Roi, notamment en dédiant le premier recueil des Fables à son fils, le Dauphin.
Mais si ces Fables sont accueillies positivement par le Roi, c’est aussi parce qu’elles sont dotées d’un style incomparable, porté par des inspirations toujours plus fortes.
Les inspirations de la Fontaine
Dans sa dédicace au Dauphin, la Fontaine mentionne un auteur qui comptera beaucoup dans la rédaction de ses Fables :
“Je chante les héros dont Ésope est le père,
Troupe de qui l'histoire, encor que mensongère,
Contient des vérités qui servent de leçons.
Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons:
Ce qu'ils disent s'adresse à tous tant que nous sommes;
Je me sers d'animaux pour instruire les hommes.”
Et oui, parmi les nombreuses sources d’inspirations de la Fontaine, on retrouve donc Ésope. Cet écrivain grec, bien antérieur à l'auteur, est considéré comme le fondateur de la fable.
Dans la querelle des Anciens et des Modernes, menée en 1687, la Fontaine se placera du côté des Anciens, pour qui le principe de moderniser les traditions est primordial. Et ici, l’inspiration ésopique nous le montre très bien. Car oui, des célèbres textes comme "La Cigale et la Fourmi" ne sont que des réécritures de l’auteur grec !
Par ailleurs, la Fontaine puise aussi son inspiration dans la tradition orientale, et plus particulièrement dans la tradition indienne. On peut l’apercevoir au sein du deuxième recueil, où le sage indien Pilpay est évoqué par la Fontaine. Certaines fables sont ainsi inspirées par des traductions de recueils sanskrit, mais aussi du Pañchatantra, un recueil de contes et de fables.
Enfin, si la Fontaine s’inspire de toutes les contrées, il est également porté par la sienne, puisqu’il s’inspire de certains auteurs comme Marie de France, ou encore Guillaue Haudent, qui ont mis en scène des animaux dans de petits récits. Tous les ingrédients des fables que l’on connaît aujourd’hui !
Le style des Fables de la Fontaine
Nous avons tous et toutes déjà expérimenté l’apprentissage d’une Fable de la Fontaine. Il nous est donc facile de comprendre que ces dernières possèdent un style singulier, qui n’est pas un hasard, loin s’en faut ! En effet, la Fontaine avait lui-même décidé de conceptualiser son écriture, qu’il s’agisse de l’esthétique, de la métrique, ou encore de la variété des thèmes abordés. C’est précisément en prônant la diversité qu’il fonde son œuvre, en rupture avec les traditions d’Ésope dont il s’inspire. Mais qui dit inspirer, ne dit pas forcément copier !
En modulant de façon permanente les formes de ses textes, il développe un style qui lui est propre, jusqu’à devenir, peu de temps après, un support d’apprentissage scolaire.
Parmi les points clés du style de la Fontaine, on retrouve l’ironie, l’adresse directe au lecteur, la prose, la présence récurrente d’animaux, la liberté de ton, l’emploi de la première personne, mais également l’enseignement, que symbolisent les morales. En effet, via cette fonction éducative qu’il expliquait en disant “Je me sers d'animaux pour instruire les hommes”, la Fontaine parvient à ne pas seulement rendre ses apologues divertissants, mais bien éducatifs.
Grâce à cette œuvre célèbre en France et partout dans le monde, Jean de la Fontaine a réussi à rendre le genre de la fable accessible à tous, mais surtout, à rendre les animaux qui parlent presque vraisemblables. De quoi se laisser tenter par une adaptation en livre audio, et saisir tous les contours de ces petits textes, encore pleinement d’actualité !