Dans ce sixième et dernier épisode de la quatrième saison, Cartel Nord partage les confessions du juge Patrick Ardid, 67 ans qui tout vu, tout connu de la montée du narcotrafic à Marseille. Tour à tour juge des enfants, juge d’instruction, président de la 7e chambre correctionnelle et désormais magistrat honoraire, il a jugé certaines des affaires les plus emblématiques liées au trafic de stupéfiants à Marseille.
Des premiers trafics à l’emprise des réseaux dans les cités, le juge Patrick Ardid a ainsi observé ce basculement et l’essor du trafic de stupéfiants. "Dans les années 80-90, jusqu’aux années 2000, on parlait essentiellement des drogues dures, l’héroïne en particulier, retrace-t-il. À côté, dans les cités, il y avait déjà plus ou moins des points avec des familles connues qui s’adonnaient au trafic de ce qu’on appelait des drogues douces et un micro trafic de stupéfiant s’est installé."
Dans les années 2000, ce micro trafic, comme le définit Patrick Ardid, prend de plus en plus d’ampleur et les premières grosses affaires arrivent sur sa pile de dossiers au tribunal correctionnel de Marseille. En 2008, il y a notamment eu "l'affaire Corseus". "Au début des années 2000, le banditisme corse utilisait des hélicoptères pour transporter de grandes quantités de résine de cannabis depuis le Rif marocain jusqu'aux villages isolés près de Béziers, rappelle-t-il. La drogue était ensuite remise à des équipes de Seine-Saint-Denis (93) pour être acheminée vers la ville de Garges-Lès-Gonesse. Cette affaire hors normes illustrait les moyens considérables pour acheminer la drogue."
En 2008, une autre affaire lui fait prendre conscience, cette fois-ci, de la structuration des réseaux de cité et des méthodes violentes utilisées pour la vente de stupéfiants. Il s'agit de "l'affaire des Iris", du nom de cette petite cité du 14e qu'il a jugé en 2012. Après un vol de produit stupéfiants sur le point de deal, un jeune homme s'est fait séquestrer et torturer dans un cave de la cité. Les cris de douleur du jeune homme ont résonné dans toute la cité et des habitants ont fini par appeler anonymement la police qui a réussi à extraire la victime, mais celle-ci est morte peu après à l'hôpital Laveran.
Au tournant des années 2010, un autre phénomène prend de l’ampleur : c’est le début de l’ère des règlements de compte. Les réseaux se font la guerre et les morts s’enchaînent. Le public découvre alors la morbide réalité des trafics de stupéfiants. Des quartiers nord aux quartiers sud, la police judiciaire enchaîne les affaires et la justice se retrouve inondée de dossiers stup’.
Le juge raconte alors comment la justice s'est adaptée pour absorber ce nouveau flux de dossiers stup'. Une évolution qui a conduit la 7e chambre du tribunal correctionnel de Marseille à juger la plupart de ces affaires "dont certaines auraient mérité de passer devant la cour d'assises". Conséquence directe : les peines de prison maximales encourues par les trafiquants passent de 30 à 10 ans.
Patrick Ardid livre alors son réflexion sur cette évolution judiciaire, cette "correctionnalisation" n'est pas sans conséquence. Selon lui, cela limiterait "l'impact dissuasif de la justice sur l'action des trafiquants" et empêche "une dérégulation et déstabilisation du marché" efficace.
Cartel Nord est un podcast en 5 saisons à découvrir sur laprovence.com et toutes les plateformes de streaming.
***************************************
Cartel Nord est un podcast original La Provence.
Écrit et raconté par : Eric Miguet et Jean-Guillaume Bayard.
Habillage et mixage : Aurore Le Bihan et Sylvain Paley.
Rédaction en chef : Aurélie Rossignol.
Directeur de la rédaction : Aurélien Viers.
Avec la participation du service Documentation.