La Nuit des temps, une histoire inédite
Publié en 1968, La Nuit des temps est un roman de science-fiction écrit par René Barjavel. La genèse de ce livre est particulière, puisqu’au départ, il devait s’agir du scénario d’un film. En effet, initialement destiné au grand écran, La Nuit des temps était destiné à la réalisation par André Cayatte, mais a connu un développement bien trop long et trop onéreux pour être poursuivi. C’est finalement grâce à l’objet-livre que l’histoire a pu se développer, pour notre plus grand plaisir aujourd’hui.
La Nuit des temps situe son action sur le continent Antarctique. Tout part d’une expédition scientifique, dans le but d’explorer la calotte glacière, lorsque tout à coup, un couple endormi sous 900m de glace est découvert. Eléa, la jeune femme, se réveille, et raconte à l’équipe les derniers jours de la civilisation qu’elle a connu. Elle et son compagnon, Païkan, se sont battu jusqu’au bout pour rester ensemble. Suite à cette découverte, le monde entier est en émoi, mais surtout, est dans l’attente que l’homme se réveille. En effet, la civilisation disparue à laquelle appartiennent les deux survivants réserve bien des surprises, notamment à travers l’amour que va développer le docteur Simon pour Eléa. Un classique du genre, qui mêle intime et fiction en toute subtilité !
Des éléments typiques de la science-fiction
En plus d’être une belle histoire d’amour, profonde et intemporelle, La Nuit des temps est aussi et surtout un vrai livre de science-fiction. Une épopée dont le mélange entre présent et futur en fait toute la force, et qui nous plonge dans une histoire devenue mythique. Mais si ce livre a eu un tel retentissement, c’est surtout parce qu’il reprend des codes forts du genre science-fictionnel, pour les travailler à la manière de l’auteur.
Tout d’abord, René Barjavel a imaginé une civilisation révolue, dont les codes (les coutumes, le langage, etc.) installent instantanément un monde parallèle et, à la lumière de notre époque, assez visionnaire. On pourrait par exemple s’appuyer sur la clé, qui représenterait la carte à puce aujourd’hui. N’oublions pas que La Nuit des temps a plus de 50 ans !
Parmi les autres éléments de science-fiction qui servent le roman, on peut également citer le cercle d’or, qui permet de transmettre ses pensées à une autre personne, le mange-machine, qui fabrique de quoi se nourrir sous forme de pilule, ou encore la fameuse équation universelle de Zoran. Cette équation est représentée sous la forme d’un symbole qui peut se lire de façon universelle. Si tout ceci est une pure fiction, et si ces éléments nous invitent à l’évasion, il n’en reste pas moins que Barjavel a probablement inventé certains éléments pour y voir des symboles, un peu plus profonds qu’il n’y paraît.
En effet, si certains thèmes appartiennent purement au genre science-fictionnel (le mythe de la cité disparue, la crainte des progrès technologique, etc.), il est intéressant d’aller plus loin et de __recontextualiser l’écriture de La Nuit des temps. __
Une double lecture du livre
Ce livre, écrit en 1968, n’est pas, pour René Barjavel, qu’un simple exercice d’écriture chimérique. En réalité, à travers ce roman, il prend à bras le corps certains problèmes contemporains pour les dénoncer, grâce à certains symboles.
En effet, à travers cette histoire, il est souvent intéressant d’y percevoir une retranscription de l’actualité politique de l’époque. Entre le conflit est-ouest - symbolisé par les tensions entre Gnodawa et Enisoraï - et les mouvements pacifistes contre la guerre du Vietnam, Barjavel distille un point de vue plus engagé qu’il n’y paraît.
Car derrière les mots, il faut aussi peut-être lire qu’il craint une destruction progressive de la civilisation par le progrès technique, une peur de la bombe atomique, et plus globalement, une conscience profonde des enjeux géopolitiques de son temps.
Entre le mythe du couple, l’évocation de la guerre froide et la plongée romanesque au cœur d’une histoire passionnante, La Nuit des temps s’est donc imposé comme LE roman français de science-fiction par excellence, faisant même concurrence à l’américain Franck Herbert.
C’est la raison pour laquelle il reçoit en 1969 le prix des libraires, accompagné par un engouement médiatique. Aujourd’hui encore, Barjavel nous fait vibrer, et il y a fort à parier que cette histoire soit plus que jamais d’actualité !
