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Profession : comédien pour Audible - Entretien avec Pierre Rochefort

Profession : comédien pour Audible - Entretien avec Pierre Rochefort
Se le dire enfin, suivi de Compter les couleurs

Quel facultés faut-il avoir pour être un bon comédien de livre audio ?

Un goût prononcé pour la lecture, je pense. Aimer les histoires, les mots en premier. La voix aussi mais c'est secondaire, toutes les voix, tous les rythmes sont intéressants plus ils sont personnels, c'est l'engagement qu'on met dans l'interprétation qui est important. La plus importante des facultés serait l'endurance. On est parti pour une lecture qui se compte en dizaine d'heures, selon la densité des œuvres. Je n'ai encore jamais eu un pavé de plus de 400 pages mais plus de 20 heures dans un petit espace confiné, en face à face avec un micro et un auteur, il faut vraiment aimer ça pour persévérer. Bien sûr et heureusement, on n'enregistre pas tout d'un coup. Pour ma part, c'est plus qu'un plaisir. Je prends littéralement mon pied en cabine et je sais pourquoi, d'où ça vient.

En quoi votre métier de comédien sur scène vous aide à interpréter ?

J'ai deux casquettes dans la vie. La musique et le jeu (théâtre et cinéma). Ces deux activités sont fortement liées justement par le texte, les mots, les histoires, au risque de me répéter. Inconsciemment, ce que j'ai appris en studio ou en cours de théâtre m'a sûrement aidé, infusé, et instinctivement les techniques pour poser sa voix, ou porter le texte se mettent en place dans la cabine. Mais je pense que le premier moteur est émotionnel. J'aime lire et prêter ma voix aux textes parce qu'enfant j'écoutais en boucle et en k7, Gérard Philippe raconter Le Petit Prince et Fanfan La Tulipe. Sa voix, si reconnaissable, chantante, sa sensibilité à fleur de peau, tout ça m'a subjugué. Et quelque part, j'étais prêt. Comme si, je connaissais les règles à l'avance à force d'avoir voyager plusieurs centaines de fois avec ces narrateurs. C'est ce qui m'a le plus aidé. D'ailleurs, pour la petite histoire, je n'ai pas été contacté pour lire un premier livre (en l’occurrence Le nouveau maître du thriller, Audible Studios, 2019). J'ai longtemps cherché le moyen de le faire, envoyé plusieurs mails à différentes maisons d'éditions jusqu'à ce qu'un jour Audible me réponde, et positivement.

Vous êtes comédien de formation ? Qu’est-ce que l’absence de caméra change dans votre interprétation ?

C'est un autre monde, un autre univers. On ne joue pas pareil au théâtre et au cinéma. Ce sont des choses complétements différentes et opposées presque. Dans une cabine de studio pour l'enregistrement d'un livre audio, c'est la même chose : une caméra n'y a pas sa place. C'est une relation intime, proche, avec le technicien qui assiste aux sessions et qui écoute et nous corrige et l'œuvre de l'auteur. J'aime particulièrement cet exercice car il s'apparente même par moment, au bout d'une heure et quelques d'enregistrement à une sorte de méditation, de transe, coupé du monde.

Quels sont les livres les plus difficiles à lire ?

Je serai incapable de lire autre chose que de la fiction. Des essais, ou de la philosophie (quoique... ) ou même dans le pire scénario de la politique ou des textes institutionnels, ça me filerait des boutons et me dégouterait de l'exercice. Il en faut pourtant et chapeau bas à ceux qui s'y collent. J'ai besoin de rêver, d'avancer dans un dédale de rebondissements, d'intrigues, de dialogues et de personnages pour prendre du plaisir.

Le nouveau maître du thriller

Quel ouvrages rêveriez-vous d’interpréter ?

Tous les romans qui m'ont transporté. Je devrais faire une liste. Mais autant dans le drame que la comédie, que de la littérature pour enfants. Je serai très heureux de lire beaucoup de choses encore. J'adorerai raconter un Stephen King, j'ai récemment découvert Mémoire d'un métier où il parle de sa relation à l'écriture pour la première fois, ce serait intéressant à arpenter pour l'audio. Je suis un grand fan de la littérature de John Fante, quelque part ce sera un honneur de prêter ma voix pour un auteur que j'aime magnifiquement. Jack London, de la même façon. Et enfin, plus globalement, je serai heureux de lire et travailler avec tous les textes forts qui pourraient transporter, impressionner, inspirer petits et grands.

Comment se passe la préparation de la lecture ?

Pour ma part, toujours de la même façon, je lis une première fois le texte, comme simple lecteur. Pour voir dans quel registre il se situe, qui sont les personnages, le ton... La première session de travail en cabine sera décisive et très instructive. Avec le technicien, nous trouverons ensemble le rythme en une heure de travail, selon la langue, ce sera plus ou moins facile. Il faudra rester aussi très prudent sur les différents personnages et leurs identités vocales mais le gros du travail préparatif sera fait. Le reste c'est l'endurance dont je parlais tout à l'heure, rester concentrer sur l'émotion, l'énergie, les enjeux, ne pas baisser la garde ou rentrer dans une monotonie au long cours. Et sur plusieurs heures/sessions, croyez-moi, c'est pas du gâteau !

Selon vous, faut-il se réécouter soi-même pour savoir si le livre est "correctement" lu ?

Ah ah... Jamais mon commandant. Vous vous êtes déjà écouté par inadvertance sur le répondeur de quelqu'un ou de vieilles cassettes ? Ça fait un effet étrange. Rarement agréable, épidémiquement déstabilisant. Comme au cinéma, je ne regarde jamais, ou presque, les films dans lesquels j'ai joué. Ce n'est pas un plaisir pour le coup et je ne l'écouterai ou regarderai que sous le prisme du jugement et du "j'aurai pu mieux faire...". Pourquoi s'infliger ça !?

Après ça, vous écouterez vos livres avec le sentiment d’en savoir un peu plus sur ceux qui, jour après jour, construisent le grand catalogue Audible. Merci à Pierre Rochefort pour cet entretien !

Cartouche, d'après le film de Philippe de Broca

(Crédit photo : Manu Brulé)

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