Audible logo, aller à la page d'accueil
Lien vers le site principal Audible

Camille Juzeau, Les Baladeurs : "Raconter des histoires en audio est au moins aussi fort qu'avec des images"

Camille Juzeau, Les Baladeurs : "Raconter des histoires en audio est au moins aussi fort qu'avec des images"

Comment as-tu commencé à collaborer avec les Others ?

Je venais de finir une mission en tant que coordinatrice éditoriale pour une revue sur les aventures, Reliefs. Avant cette collaboration, j’avais travaillé à France Inter. J’ai adoré le milieu de la radio, je m’y suis beaucoup épanouie. Ensuite, le son est resté dans un coin de ma tête. On avait d’ailleurs noué des partenariats, j’avais fait des chroniques dans Le temps d’un bivouac par exemple.

Après mon travail chez Reliefs, j’avais très envie de faire du documentaire radio. L'idée était de tester un nouveau format, avec une identité propre. Plusieurs studios de podcasts avaient été créés à ce moment-là : Nouvelles Ecoutes, Binge Audio… Mais toutes ces sociétés de production avaient déjà une couleur. J’ai donc eu l’idée de faire quelque chose par moi-même.

Je connaissais déjà la revue Les Others. Ils faisaient un super travail et étaient déjà très présents sur les réseaux sociaux. Je me suis dit : je sais faire du son, eux savent diffuser. Il se trouvait que Thomas Firh, le rédacteur en chef, était féru de podcasts. Quand je leur ai écrit, c’était donc le moment parfait !

Je lui ai proposé de faire un pilote. J’ai regardé le type de personnages mis en avant dans leur revue pour que l’identité des Others soit présente dès le premier épisode. Mais on s’est rapidement mis d’accord sur l’idée que le podcast ne serait pas une réplique fidèle de la revue et que les histoires y seraient racontées différemment.

Même si nous sommes très en lien avec Les Others, que nous communiquons beaucoup avec eux, nous sommes une équipe éditoriale. En termes de forme, de projet sonore, nous sommes assez libres et proposons autre chose que les versions web et papier.

Les Others ont lancé leur communauté autour de l’image. Pour eux, lancer un projet autour du son était donc un pari très fort. Ils se sont rendu compte que raconter des histoires à travers l’audio était au moins aussi fort que via d’autres médias.

À la conquête du pôle Nord, avec François Bernard

Chaque épisode a sa musique, son ambiance, qui font qu’on est véritablement en immersion dans l’histoire qui est racontée. Comment définissez-vous l’identité sonore de chaque épisode ?

Dès le début, je voulais plonger dans quelque chose de très narratif, créer du cinéma audio. C’est un pari qu’on a relevé, je l’espère !

J’avais très envie d’avoir une musique originale : les voix font beaucoup, mais comme au cinéma, la musique peut vraiment nous transporter. C’est presque comme des lumières...

Alice-Anne Brassac, qui est une amie, débutait justement dans la musique. L’idée de donner un terrain d’expression à une jeune artiste me plaisait beaucoup. Je lui ai donc proposé de s'associer à ce projet.

Il y a une vraie co-construction entre la musique et la réalisation sur Les Baladeurs. Avec Alice-Anne, nous sommes sur la première étape du projet. Ensuite intervient Laurie Galligani, qui assure le mixage.

Je monte la voix nue, puis je trouve un moule narratif, avec des silences, des espaces, un climax, des moments plus apaisants… C’est un travail que je n’avais pas fait avant à la radio, c’est propre aux Baladeurs : c’est très travaillé, comme de la dentelle.

Comment est-ce que tu construis ces histoires, justement ?

Pendant les interviews, je fais en sorte que la personne se replonge dans ses souvenirs d’une manière si forte qu’elle les revit complètement. C’est très émotionnel. Souvent, elle décroche même du moment de l’interview !

J’écris très peu de questions en amont. Je ne veux pas forcément que la personne raconte tout son parcours. On va explorer un moment très particulier de la vie de cette personne. En général, je sais pourquoi je la rencontre : pour un moment précis, une ambiance, un personnage.

Pour la reprojeter dans ce moment, je le recontextualise. Je la lance : “Là tu es à l’aéroport, tu sors, qu’est-ce que tu vois ? Quels sont tes sentiments à ce moment-là ?” La personne déroule son histoire. Ça l’amène sur des perceptions très spécifiques.

Parfois, il va manquer des éléments nécessaires à la compréhension. Mon rôle d’intervieweuse est donc de vérifier que j’ai tout ce qu’il faut : l’heure de la journée, la personne avec qui elle était… Je fais des retours en arrière pour avoir tous les éléments de mon histoire.

Souvent, quand les personnes sortent de l’interview, elles me disent que c’était une expérience très intense. Plusieurs interviewés ont déjà pleuré. Je ne pense pas trop forcer leurs confidences, mais ils revivent quelque chose de fort.

Après, il y a la phase de montage. Quand on réceptionne de telles histoires, il y a une vraie responsabilité derrière. Parfois, les personnes m’ont raconté des choses de manière décousue : c’est à moi de les remettre dans le bon ordre, de trouver les phrases qui permettent d’avancer dans le récit : “c’est la nuit”, “on repart”...

J’incarne un rôle éthique très fort : il faut conserver l’esprit de l’interview, ne pas transformer le propos. J’ai une grande bienveillance vis-à-vis des personnes que j’ai rencontrées : selon la façon dont on dispose les choses, on influe sur la perception de l’histoire par les auditeurs et auditrices. Ça doit être encore plus beau qu’au moment de l’interview.

Ensuite, j’envoie ça à ma compositrice. Il arrive même qu’elle vienne en interview avec moi. De cette façon, elle peut s’imprégner de plein de choses. Si elle n'a pas pu venir, elle a besoin de voir les visages, les photos des lieux…

Alice-Anne a une grande finesse dans ses compositions, sur le jeu des sonorités.

Au cœur des vagues géantes de Nazaré, avec Justine Dupont

Comment trouves-tu ces histoires ?

Je vais beaucoup les chercher. Dans une saison, il y a douze épisodes. Ça paraît beaucoup mais c’est aussi peu ! Je tiens à construire une ligne éditoriale tout au long de cette saison. Il y a une vraie notion d’équilibre : si ça surprend l’oreille, c’est parce qu’on n’a pas fait trois épisodes de mer, trois épisodes de jungle…

Je fonctionne beaucoup par espaces – eau, terre, mer – animaux ou pas, voyage en solo ou à deux, voix jeunes ou moins jeunes…

Certaines histoires existent déjà, dans des articles ou des livres. Parfois je rencontre des gens dont je trouve qu’ils dégagent quelque chose d’intéressant. Pour d’autres, je cherche un moment précis. On me contacte aussi parfois pour me proposer des histoires !

C’est le cas pour l’épisode 2 de la saison 3 des Baladeurs : deux jeunes filles m’ont contactée pour me raconter leur histoire de cavalières dans le Caucase.

Comment écris-tu tes voix off ?

J’écris toujours à la fin, quand j’ai réalisé le podcast. Comme j’ai fait la réalisation les jours précédents, j’ai l’histoire dans la tête.

J’écris toujours avec la musique. Je n’écris pas un texte sorti de son contexte. Ça vient assez vite : je garde souvent mon premier jet !

J’essaie de me remémorer la personne, ce qu’elle a dégagé. Parfois, je parle du moment de l’interview, de ma rencontre avec elle. J’essaie de mêler le journalistique et le sensoriel.

Souvent, je pose une question à la fin, pour poser un enjeu.

Disparus en Amazonie, avec Guilhem Nayral

Peux-tu me parler de la saison 3 ?

J’ai trouvé qu’il y avait très peu d’animalier dans la saison précédente. Pour cette nouvelle saison, je suis ravie car j’ai rencontré une personne que j’admire énormément : la primatologue Sabrina Krief. Elle a énormément travaillé sur les rapports entre singes et hommes.

Elle parle de ces femmes qui ont ouvert la voie à des époques où l’aventure était très masculine, qui ont fait avancer la science. Elles ont par exemple donné des noms aux individus au lieu de numéros, et ont révélé les comportements sociaux dans les groupes. Sabrina Krief raconte comment un groupe de chimpanzés a adopté des humains : c'est un point de vue original et très intéressant !

Il y aura également d’autres histoires très fortes, par exemple ces deux femmes cavalières dans le Caucase, ou encore un homme parti sur les traces de Joseph Kessel dans la vallée des rubis en Birmanie.

Il devrait normalement y avoir aussi des plus jeunes, des adolescents.

Je pense que pour cette saison, on est encore plus ambitieuses en termes de forme. On explore encore plus qu’au début de l'aventure.

Pourquoi avoir choisi Audible comme sponsor ?

Je suis très contente de mon sponsor ! C’est cohérent car Audible a une ADN très littéraire. De notre côté, par le travail des voix, de la langue, des extraits littéraires parfois, nous créons des sortes de petites nouvelles. C’est davantage une excroissance du texte lu que du reportage.

Il y a aussi une culture du temps long chez Audible, ce qui correspond tout à fait à ce que nous faisons.

Tags